CLASSEMENT MONDIAL DES UNIVERSITES
A CONSOMMER AVEC MODERATION


Yves Livian

 

 

Tous les ans au mois d'août, le classement des universités dit « Shanghai » fait la une de la presse mondiale. Nous l'avons déjà évoqué dans l'Infolettre CPU mais vu l'importance de cette information, il convient de répéter les arguments tendant à relativiser l'intérêt de ce classement qui occupe une place trop importante dans l'opinion publique et risque d’induire les étudiants internationaux en erreur.

 

1. A l'origine (en 2003) élaboré par l'Université chinoise Jiao Tong, ce classement est réalisé depuis 2009 par une société de conseil privée « Shanghairanking ». Ses sources de revenus et son fonctionnement sont opaques.

 

2. Depuis 2010 environ, des dizaines d'articles scientifiques ont montré les limites et insuffisances méthodologiques de ce classement. Rappelons-en quelques-unes : prise en compte quasi exclusive des sciences de la nature et des publications en anglais, non prise en compte de la qualité pédagogique des formations ni de l'insertion des diplômés d’une université dans le marché du travail…

 

3. Malgré cela, les média et les autorités universitaires accordent une très grande importance à ce classement, qui façonne donc l'opinion et provoque des décisions importantes.

 

4. Les autorités françaises (le Ministère, Campus France) se sont empressées d'émettre le 16 août 2024 des communiqués de vive satisfaction, notamment à cause de la montée de Paris-Saclay (du 15e au 12 rang mondial). Le Ministère a fait fusionner des universités précisément pour qu’elles grimpent dans le classement, au mépris des questions de complexité et de lourdeur.

 

5. Il faut rappeler une spécificité française : la recherche scientifique se fait pour beaucoup dans un grand organisme public le CNRS et moins dans les universités. Les critères de Shanghai essentiellement fondés sur la recherche universitaire n'intègrent donc pas ou seulement partiellement les travaux du CNRS. (11 000 chercheurs dont 1 600 en SHS, 13 000 ingénieurs, 950 laboratoires).Ceci contribue au fait que la France ne compte que 18 établissements dans les 500 premiers.

 

6. Il faut fortement rappeler que les domaines qui attirent en France (et au CPU) de nombreux étudiants étrangers ne sont pas pris en compte par le classement de Shanghai : droit, lettres, linguistique, histoire, arts, archéologie…

 

7. D'autres indicateurs plus pertinents pour nous seraient à considérer, comme la diffusion des articles scientifiques francophones en sciences humaines et sociales (à cet égard, la plateforme « Cairn » est un succès avec 5 millions de consultations par jour). La France est au 4e rang mondial pour les publications scientifiques « arts et humanités », 5e en « sciences sociales » et « économie » (1996-2023), source Scimago). Le classement mondial pour les publications nous donne le 7e rang (toutes disciplines confondues), à peu près notre classement des médailles aux Jeux Olympiques !cela pourrait être mieux,mais c’est déjà bien meilleur que ce classement dont l’intérêt est purement médiatique !

 

Y. LIVIAN


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