Que pensent d'anciens professeurs d'université
de l’usage de l’intelligence artificielle (IA)
par les étudiants ?


par Robert Laurini etYves Livian

 

Dans ce texte,nous nous proposons de faire un point (provisoire) sur les usages de l’IA par les étudiants. Ces instruments se développent à grande vitesse et il est impossible d’imaginer que l’usage n’évoluera pas aussi rapidement La question souvent posée est celle du « remplacement » de l’humain par la machine mais il s’agit plutôt de maitriser et contrôler l’usage qui peut en être fait. Rappelons que le mot anglais « intelligence » se traduit aussi par « renseignement » comme dans le nom de la très fameuse agence américaine CIA.

En effet, n’importe qui peut utiliser ChatGPT, le nouveau Bing ou BARD et lui poser une question : et en quelques secondes viendra une réponse. En effet, celle-ci se basera sur les milliards de documents électroniques stockés sur des ordinateurs ; et une réponse, plus ou moins pertinente, sera générée. Par exemple, demander à ChatGPT, les prénoms et lâge de vos enfants, et vous obtiendrez des résultats étranges. Car il faut bien sûr que les données soient introduites dans le système.

 

Mais les résultats sont impressionnants : le système est capable de répondre à une question sur lui-même (posez par exemple sur le nouveau Bing la question de l’intérêt qu’a l’étudiant d’utiliser ce logiciel :vous serez étonné des réponses !)

 

Bien sûr il y a des limites.
Quatre remarques importantes, la première est que ChatGPT est incapable de distinguer les « vraies » informations et les « fake news »,(tout dépend donc des textes analysés) et la seconde est que si vous posez la même question en français et en anglais, les réponses obtenues seront en partie différentes car chacune s’appuiera sur des corpus textuels différents. Enfin, la troisième est qu’il confond facilement les homonymies de lieux ou de personnes (cela s’améliorera sans doute)

 

Surtout il ne cite pas ses sources (sauf si on lui demande de faire un état de la littérature). Et le texte produit n’est pas original, puisque fondé sur des textes antérieurs.

 

A une question générale, le système répondra correctement en bon français des choses banales ou bien connues mais cela pourra satisfaire l’étudiant étranger en difficulté ! et si la question est précise et bien posée, la réponse sera valable et correctement rédigée : le rêve de tout étudiant !

 

En fait, déjà des étudiants peu scrupuleux ont utilisé de tels outils sans le dire, et diverses universités ont pris des mesures coercitives.Mais il sera impossible d’empêcher tout usage.

Des réflexions éthiques commencent à surgir (données confidentielles ? langage violent ? etc..)

 

Dans le contexte du CPU, comment devons-nous réagir ?

 

Considérons un étudiant en master ou un doctorant en panne d’idée : il peut lui être facile de demander à ChatGPT de lui fournir un texte qu’il pourra présenter comme provenant de son propre chef. Un premier indicateur pourra être la qualité du texte notamment si d’habitude un étudiant étranger a de la peine à rédiger en bon français. Pour la rédaction des thèses et des mémoires, de nombreux outils anti-plagiat ont été développés ; dans le futur, il sera sans doute possible de détecter ces impostures basées sur l’IA.

 

Mais rappelons que l’objectif d’une thèse universitaire est d’apporter de nouvelles connaissances au monde avec des preuves. Un système d’IA, ne s’appuyant que sur des documents publiés auparavant, ne pourra jamais émettre de nouvelles hypothèses pertinentes ni même expliciter la meilleure méthodologie pour les valider : le seul bénéfice pourrait être d’indiquer des expériences ou des analyses dans des situations comparables. Mais, dès lors, pour dresser un état de l’art, l’usage pourrait être un complément précieux.

Des exercices habituels dans l’enseignement supérieur comme « rédiger une note sur.. » ou « faire une bibliographie sur.. » seront dorénavant faits avec l’assistance de l’IA !!

Pour les accompagnateurs des mémoires et thèses, voici quelques points qui pourraient mettre la puce à l’oreille concernant de nouvelles pages présentées par l’étudiant :

• le texte est trop bien rédigé ou avec un vocabulaire peu habituel pour l’étudiant ;

• les arguments de ce texte ne sont pas en cohérence avec les pages précédemment analysées ;

• il n’y a aucune référence citée ;

• beaucoup de texte banal noyé dans un style alambiqué.

• Il n’y a pas de liens logiques entre les idées.

Voilà quelques pistes de réflexion qu’il sera indispensable d’étoffer dans les années qui viennent.

De toutes façons, les accompagnateurs (comme les enseignants) devront poser davantage de questions à l’étudiant : qu’en pensez-vous ? quelles sont les idées nouvelles ? quelles contradictions ... et cet auteur que vous citez, que dit-il exactement ? quelle réaction personnelle avez-vous face à ce problème ? seule façon d’isoler l’effort personnel de réflexion d’un ’individu, en dehors de la machine !

 

Pour conclure ce texte, nous attestons sur l’honneur que le logiciel ChatGPT n’est pas l’auteur de ce document.

 

Robert Laurini et Yves-Frédéric Livian Juin 2023

 


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