Un article d'Yves, accompagnateur de mémoires et de thèses

 

FAUT-IL SOUFFRIR POUR FAIRE UNE THESE ? (Ou un mémoire ?)
par Yves Livian (14/02/2022)


On entend en ce moment une plainte croissante émanant des doctorants au sujet de leurs conditions de vie et de travail. La presse s'est faite l'écho de l'ouvrage récent d'Adèle Combes ("Comment l'université broie les jeunes chercheurs", Autrement, 2022).

Des blogs, des vidéos sur YouTube relaient ce malaise, que certains transforment en microentreprise compte tenu de l'importance du "marché" (70 000 doctorants en France actuellement) Il y a même une "influenceuse doctorat" à succès sur Internet. Un « business » se développe dans l’aide aux doctorants.
La question est réelle : il est vrai que les conditions de travail dans une université publique sous financée comme c’est le cas en France sont rarement bonnes et que les confinements ont accentué les problèmes quotidiens tant psychologiques que matériels de nombreux étudiants.

Faut-il pour autant désespérer ? Quelques réflexions et conseils peuvent l'éviter.
1 - Oui, l'université, en tant que système, ne crée pas des conditions d'encadrement idéales : peu d'enseignants qualifiés dans certaines disciplines, aucune formation à l'encadrement, aucune motivation financière à encadrer des thèses, en plus des difficultés spécifiques d'encadrement des non francophones.
Conséquence pratique : avant de s'inscrire, choisir avec attention l'école doctorale d'accueil. Ne s'engager dans une thèse (et même dans un Master) que si l'on est capable d'autonomie. Certains étudiants attendent une fréquence de relations et une précision dans les conseils que le système n’a pas les moyens de lui fournir.
2 - Oui, une certaine souffrance est inévitable. Il faut beaucoup travailler et la recherche inclut par définition, une grande incertitude. Il faut donc "avoir les reins solides" et accepter des périodes de stress. C'est vrai qu'il y a un côté "épreuve initiatique" dans la thèse mais cela peut avoir un aspect très positif pour la construction des compétences nécessaires dans sa vie professionnelle future. C'est aussi le prix à payer pour le prestige du titre de "docteur" (tout le monde ne le détient pas).
Quelle valeur aurait un doctorat "cool", obtenu sans difficulté ?
3 - Oui, il y a des moyens pour optimiser l'effort à accomplir. C'est leur non utilisation qui provoque la plupart des problèmes rencontrés (expérience du CPU de Lyon)

- Faire un effort d'intégration dans l'école doctorale, suivre les séminaires, fréquenter ses collègues (notamment français), aller à des colloques, assister à des soutenances de collègues…
- Bien connaître les rouages de l'école doctorale, du laboratoire, les textes régissant le diplôme. Etre doctorant, ce n'est pas seulement approfondir un sujet précis, c’est s’insérer dans une organisation universitaire et,dans des réseaux de chercheurs…
- Assurer un rythme de travail constant, ne pas s'interrompre trop longtemps, se fixer un calendrier clair et s’y tenir. Faire un doctorat, c’est un métier. - Bien connaître son(ses) encadrants (sujets d’intérêt, motivations) et lui envoyer régulièrement des nouvelles.
- Suivre des formations de méthodologie et de perfectionnement en rédaction française (et fréquenter le CPU !).

Faire une thèse, c'est certes devenir très compétent sur un sujet, mais c'est aussi avoir su gérer un parcours personnel, avoir surmonté une épreuve. C'est une expérience de vie, dont on se souvient longtemps, avec ses joies et ses peines !


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