Témoignages de quelques étudiants des cours collectifs de FLE
et de leurs enseignants

Qu’est-ce que le confinement vous a fait vivre ?
(Vous pouvez télécharger ce texte en cliquant ici : Témoignages GroupesFLE)

L’annonce du confinement le 12 mars nous est tombée dessus comme un couperet et nous a un peu assommés au début…, cette situation in-imaginée nous semblait tellement surréaliste, comme celles que jusqu’à maintenant nous voyions seulement dans des films de science-fiction… ! Du jour au lendemain nos rencontres quotidiennes avec nos jeunes migrants dans les cours FLE au CPU se sont arrêtées et nous nous sommes retrouvées désœuvrés… Nous avons pu alors mesurer combien ces échanges avec nos jeunes étudiants nous apportaient de la joie et toute une richesse humaine… Est venu ensuite le temps de réagir, mais comment ?

Avec l’Équipe, nous avons d’abord essayé de réfléchir à comment proposer à nos jeunes apprenants du "français" "on line", ne serait-ce que pour rester en lien. Certains ont fait preuve d’imagination et de créativité mais pas évident de les "accrocher" tous car ce temps était aussi difficile pour eux - et l’est encore pour beaucoup d’entre eux. Souvent seuls et pris d’angoisse, ils "galèrent", certains très fragiles de santé ayant de lourdes pathologies vivent dans des situations très précaires et certains sans domicile… Nous nous sommes donc vite rendus à l’évidence que le plus important était dans un premier temps de maintenir un contact humain et personnel suivi avec chacun des étudiants par téléphone, SMS, mails ou WhatsApp…

Après un premier temps un peu « sous le choc », nous avons commencé à mettre en place des cours utilisant les moyens numériques… Depuis la fermeture du CPU, c’est donc le Télétravail : Visioconférences, WhatsApp, SMS, mails, téléphone… Sympa au début mais un peu lassant à la longue sans contact humain direct, rien ne vaut la vraie vie ! mais c’est toujours mieux que rien !

Au CPU, nous avons aussi essayé de pallier à leurs besoins matériels pour les plus en difficulté... Avec l’aide de diverses associations, une plateforme « soutien » s’est mise en place pour les étudiants en grande précarité, avec distribution alimentaires, cartes SIM, et grâce à une « cagnotte solidarité » des petites enveloppes…

Cependant, le plus important reste encore le contact personnel avec chacun afin qu’ils se sentent moins seuls en ce temps où il ne fait pas bon d’être demandeur d’asile ou sans papiers…, beaucoup de stress, d’angoisse et d’incertitude...

Tout cela nous prend finalement bien plus de temps qu’en temps « normal »… Qui a dit que le confinement était des "vacances" ?!!! - Nous cherchons aussi à déployer notre imagination afin d’envisager la rentrée sous une autre forme que celle que nous avons connue jusque-là…

Avec nos étudiants, il nous a semblé bon et intéressant de continuer à réfléchir ensemble sur ce que ce temps de confinement et de dé-confinement avait suscité en nous, d’en profiter pour en faire un exercice d’échange et d’expression écrite…, et la parole s’est libérée dans un climat de grande confiance et de simplicité qui nous a émus… Mais en leur proposant d’en faire un petit exercice écrit, nous avons senti que ce temps de confinement avait été et était encore pour beaucoup d’entre eux trop traumatisant pour pouvoir en faire un « exercice d’expression écrite » pour l’instant… Quelques uns ont cependant accepté d’y contribuer…
----Mérète
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La vie est très belle! Profitez-en!

Quelqu'un a correctement dit que «si la santé a disparu, tout est parti». La santé est une richesse et rien n'est plus important que ce que notre santé représente en ce moment. Une personne en bonne santé, riche ou pauvre, vit une vie plus heureuse et paisible que toute personne riche souffrant d'une maladie dans son corps.

Il existe un certain nombre de voies différentes selon lesquelles une personne peut être infectée par un agent infectieux. Les maladies infectieuses sont causées par des organismes, généralement de taille microscopique, tels que bactéries, virus ou parasites directement transmissibles d'une personne à une autre.

Notre société est aujourd'hui confrontée aux pires conditions épidémiques qu'elle n'ait jamais connues. De nos jours, une nouvelle maladie respiratoire appelée COVID-19 se propage à travers le monde. C'est la cause d'un grand nombre de morts, de peurs et de problèmes économiques. Depuis décembre 2019 jusqu'à maintenant, cela a changé la perception globale des idées des gens sur la vie.

Malgré le fait que je sois vraiment triste de tous les aspects négatifs que cette pandémie a causés au monde, je suis aussi heureuse. Au fond de moi, je pense que le monde en avait besoin. Même que les gens devaient s'arrêter et respirer. Nous étions tous pressés chaque jour. Nous ne nous sommes jamais arrêtés pour penser à nos besoins de base, l'amour et les amitiés. Nous avons presque oublié que la mère nature a besoin que nous nous arrêtions pour qu'elle récupère de tous les dommages que nous, les humains, lui causons afin de répondre à nos besoins matériels. Je suis heureuse que nous ayons réfléchi et compris que ce qui est le plus important, c'est notre santé et non notre richesse. Nous devons être heureux chacun de nous à l'intérieur des murs de nos maisons et répandre autant d'amour que possible.
La vie est très belle! Profitez-en!
----(Albanie)
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Réflexion sur ma vie et mes objectifs

Nous venons de vivre plus de deux mois de confinement… Le positif que cette période m’a fait vivre est que j'ai appris à être plus attentif aux gens qui m'entourent.

C'était des moments de réflexion sur ma vie et les objectifs que je voudrais atteindre. J'ai réfléchi et je me suis interrogé sur ma communion avec Dieu et j’ai approfondi ma relation avec Dieu.

Le négatif que j'ai vécu était la triste mort qui a frappé beaucoup de personnes, beaucoup de familles dans le monde entier à cause de la pandémie.

Dans ma relation avec la France, je n’ai pas à m’en plaindre. La seule chose que je devrais faire est de faire beaucoup d’efforts pour m’intégrer dans la société et la culture françaises.

Par rapport à mes relations avec le CPU, je le considère comme ma famille, un peu comme ma mère, c’est là que j'ai commencé à oser mes premiers pas dans la langue française. Et c’est là aussi où j'ai trouvé des gens disponibles qui nous aident à atteindre nos objectifs.

Merci à tous les bénévoles du CPU. L'enseignement que je tire pour moi-même de ces derniers mois est l’importance de continuer à être cette personne simple et humble avec les autres et à les aimer.
----(Angola)----


Quand on est "à risque"…

Nous venons de vivre deux mois de confinement… Malheureusement, ce temps de quarantaine a été très difficile pour moi. J'étais soignée à l'hôpital quand le nombre de malades a commencé à augmenter. Je suis « à risque », je risque plus facilement d’attraper le virus parce que j'ai une maladie chronique. J'étais un peu soulagée quand je suis rentrée à la maison. Après, je ne suis plus jamais sortie.

Après ce virus, je pense que la vie de chacun aura changé. Les gens n’ont pas pu aller travailler, les écoles ont été « en vacances ». Le shopping est devenu plus difficile. Les gens prenaient de la distance avec les autres pour respecter les gestes barrières et la distanciation physique. Les amis essayaient de se rencontrer sur Internet. J'avais très peur, mais maintenant la situation s’est améliorée. J'espère qu'il n'y aura pas de 2ème vague.
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(Turquie)----

Une période ambivalente…

Je pense que cette période est ambivalente pour tout le monde. Le confinement était très dur pour moi. Je suis restée chez moi pendant la durée du confinement. Cette épidémie a suscité des peurs chez tout le monde. A cause du confinement beaucoup de travail s’est arrêté. La violence familiale a augmenté et la dépression a augmenté.

Malgré le fait qu’il y ait eu beaucoup de choses négatives il y a eu aussi beaucoup de choses positives. Je pense que la nature a beaucoup souffert par la pollution mais la durée du confinement a été comme une chance pour récupérer. La proportion des émissions de CO2 a diminué en raison de l’arrêt des usines dans de nombreux pays. Les médecins et les infirmières ont fait de leur mieux. Ils étaient la première défense contre l’épidémie. Le confinement a changé les méthodes d’éducation. Maintenant on étudie à distance. Je voudrais dire un grand merci à Nicole, Mérète et au CPU pour vos efforts avec nous.
----(Égypte) ----

Les conséquences du confinement…

Les premiers jours du confinement étaient très difficiles pour moi parce que j'avais une vie très active, mais au fur-et-à-mesure que les jours passaient, j’ai commencé à apprendre à rester à la maison.

Rester confiné pour moi a eu des conséquences négatives. En effet, tous les rendez-vous administratifs que j'avais ont été annulés, et je n'ai pas encore reçu d’autres RDV pour commencer les démarches administratives. Et je sais aussi qu’il y aura plusieurs mois entre maintenant et le moment où je recevrai mes prochains rendez-vous.

Les cours de français me manquent beaucoup parce que malgré les différentes cultures nous avons une bonne ambiance en cours qui structurent mes journées et me donnent un cadre.

Et le plus important, c’est que j'ai commencé à parler très bien français. Mais d’un autre côté, il y a aussi un aspect positif parce qu’heureusement je n'ai eu aucun problème de santé. J'avais tout le temps du monde autour de moi pour prendre soin de moi, je me sentais plus confiant.
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(Albanie)----

Il me semblait que c'était la troisième guerre mondiale…

Cela fait trois mois que la France et le monde entier sont dans une situation inhabituelle. Le confinement était une chose que je n’avais jamais imaginé vivre un jour. Il n'y avait personne dans les rues, c'était bizarre de voir la ville déserte. Les gens avaient peur de sortir. Il me semblait que c'était la troisième guerre mondiale. Malgré toute cette situation cela m'a aidée à comprendre l'importance de la vie et des gens que j'aime. Je suis triste, je ne peux plus aller au CPU, mais en tout cas, j’ai passé un bon moment.

Maintenant j’aimerais travailler, j'ai déposé plusieurs candidatures et j'attends la réponse. Je suis heureuse que tout revienne à la normale et j'espère que nous ne revivrons pas de telles situations.
----(Albanie)
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Quelques échos des enseignants…

Le confinement, ça a d’abord été, pour moi, une certaine mauvaise conscience d’avoir « abandonné » les étudiants. Pourquoi ? Parce que nous savons à quel point ces rencontres quotidiennes sont structurantes et rassurantes pour eux.

Nous avons su assez rapidement, par les contacts téléphoniques, que certains continuaient à travailler de manière autonome. Mais ce n’était pas la majorité.

La question était « Que faire ?» et « comment » reprendre notre activité avec eux? Avec quels outils, quels contenus compatibles avec le « distanciel » ? C’est grâce aux réunions Zoom du CPU que, voyant que certains continuaient à travailler sur WhatsApp, j’ai pris confiance en moi et me suis dit que si certains y arrivaient, je devrais aussi pouvoir me faire à ces cours « à distance ». J’ai commencé à explorer les fonctionnalités de Zoom et à réfléchir à des contenus de cours.

C’est à la fin du confinement que, Mérète et moi, avons repris les cours pour le Groupe 2 des Demandeurs d’Asile. Les étudiants ont répondu à notre proposition avec beaucoup d’enthousiasme ... malgré les limites du numérique. L’ambiance de groupe existait déjà parmi eux ; elle a pu se recréer rapidement malgré la distance numérique, les uns et les autres se sentant d’emblée en confiance entre eux et avec nous. Ils étaient si contents de se revoir ! Il me semble que ce « climat » qui subsiste entre eux vient de ce que le CPU reste présent en eux, malgré l’éloignement physique.

Mais, pendant les cours, nous les formatrices, ne « ressentons » plus ce groupe, comme cela se faisait en « présentiel ». D’abord, les étudiants sont devenus des « vignettes ». Ensuite, nous avons pu vérifier que, sur une plate-forme de « réunion », la relation de chaque étudiant est centrée sur l’enseignant ; les dialogues et échanges qui nourrissaient l’apprentissage lors d’un cours « en présentiel » ont disparu au profit d’une relation exclusivement centrée sur le formateur. C’est très frustrant pour tout le monde !

Mais comme on a souvent l’occasion de le dire en ce moment, « C’est sans doute mieux que rien ! »

On va espérer que les cours en « présentiel aménagés » nous permettront de constituer des groupes, et de faire fructifier leur dynamisme et leur confiance !
----- Nicole----

CORONAE FLE…

Le groupe des étudiants demandeurs d’asile primo-arrivants a formé un groupe WhatsApp dès le début de l’année universitaire.

Dans un savoureux franglais, nous échangeons des informations administratives, des conseils et astuces, prévenons des absences prévues, partageons des chansons, des applications d’apprentissage du FLE, jusqu’à des blagues plus ou moins fines sur la langue française et les français. Le groupe a été particulièrement actif quand les cartes ADA ont vu leur mode d’utilisation évoluer dans l’année par exemple. Trouver les supermarchés qui faisaient du cash back n’a pas été une mince affaire.

Quand les cours au CPU ont cessé à cause de la pandémie, notre première préoccupation a été le renouvellement des récépissés arrivant à expiration pendant le confinement, les dates de rendez-vous à l’OFPRA ou d’audiences à la CNDA prévues durant cette période.

Les administrations étant aux abonnés absents, c’est sur les sites officiels de l’OFPRA et de la Préfecture que nous avons trouvé des informations sur le prolongement des titres de séjour, le report des entretiens et audiences, partagé et expliqué. Les questions furent multiples, les échanges à l’avenant. Puis, comme pour nous tous, s’est posée la question des attestations de sortie mais, … sans imprimante pour aucun des étudiants, voire sans ordinateur. Les attestations électroniques sur Smartphone ont été autorisées, puis invalidées, puis remises en service sous une autre forme. Les motifs de sortie étaient difficiles à appréhender pour des étudiants encore bien fragiles en français…Quand tout s’est mis en place dans le groupe, les foyers ont distribué des attestations papier mais c’était un peu tard !

Par ailleurs, quand les cours ont cessé, certains étaient malades.

Des soucis habituels pour certains mais trois étudiants du groupe présentaient tous les signes de la Covid 19 : céphalées, toux, douleurs musculaires. On s’est écrit. Ils se sont spontanément totalement confinés.

Les échanges furent alors plus personnels. Le groupe WhatsApp s’est un peu endormi, puis réveillé sur la question du rechargement des cartes TCL pour avril. Les agences étaient fermées, les cartes ADA ne permettent pas de payer, même 0 euro sur les bornes automatiques pour mettre à jour la carte TCL, les foyers sont éloignés des commerçants prestataires TCL… La gratuité du mois d’avril était effective mais à condition d’avoir sa carte rechargée. Du KAFKA. Encore quelques acrobaties téléphoniques avant que tout rentre dans l’ordre…

Et nous avons recommencé à partager des chansons de nos pays respectifs, avec commentaire ou sans, selon chacun.

J’ai alors préparé des fiches de travail sur des chansons françaises en demandant qui était volontaire pour me renvoyer ces fiches. Seuls deux étudiants ont commencé à produire régulièrement du travail. Les autres m’ont expliqué qu’ils ne pouvaient pas, soit pour des raisons techniques, soit parce qu’ils n’arrivaient plus à se concentrer, à travailler seul, etc…

Bref, globalement plus d’envie.

J’ai relancé…. Sans succès. J’ai mis en place des rendez-vous téléphoniques avec deux volontaires et nous avons travaillé 2x2h00 par semaine avec chacun jusqu’au déconfinement sur des supports que je leur envoyais par mail le matin même pour l’après-midi. Rudimentaire, mais ça a très bien marché.

Dans le même temps, outre les échanges basiques habituels, j’ai envoyé quotidiennement des cartes-images de vocabulaire dans le groupe. Certains se sont pris au jeu, pas toujours les mêmes, ça dépendait des jours, pour deviner le mot recherché. C’était une petite compétition émaillée de commentaires, chaque soir vers 19h00. Le contact était préservé mais on ne peut pas parler de FLE.

Quand l’heure du déconfinement a sonné, j’ai proposé de reprendre des cours à la maison en tout petits groupes, de façon à respecter les règles sanitaires.

L’enthousiasme fut immédiat ! La question des masques a provoqué des échanges de tutoriels pour des fabrications maison….

Tout le monde est masqué à présent ! Et depuis lundi 11, j’ai dispensé 2x2h00 de cours à chacun des deux groupes de trois étudiants.

Les autres observent le jeûne du Ramadan et nous rejoindront plus tard. Un jeune couple dont la femme est enceinte préfère raisonnablement ne pas circuler pour l’instant. Gel hydroalcoolique à l’arrivée comme au départ, distanciation physique, voyage masqué. Nous restons tous hyper vigilants.

Nous poursuivrons les cours à la maison, si les étudiants le souhaitent, jusqu’à ce qu’il paraisse raisonnable de rejoindre le CPU, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle à mon sens, ni pour les étudiants souvent fragiles de santé, ni pour les bénévoles. Ce n’est qu’un point de vue. J’attends plus d’informations sur la circulation du virus pour me hasarder en collectivité.

Voilà ! Pas de technologie de mon côté.

Je n’ai pas essayé. Les étudiants sont trop préoccupés et sans doute pas encore assez « avancés » pour réellement « travailler » sur rendez-vous à distance…

Mais nous avons tous eu un grand plaisir à nous retrouver cette semaine, même en petit comité pour reprendre notre progression
-----Valérie-----

• Nous avons vu le Covid-19 parcourir le monde faisant des ravages, provoquant des drames, détruisant des vies, mais aussi interrogeant les peuples et les gouvernements. Et au cœur de ces drames nous arrive une parole d’Espérance quand nous voyons tant d’hommes et de femmes qui font preuve de générosité et de créativité…, qui donnent de leur temps et de leur vie pour venir en aide des autres - Oui, le temps s’est arrêté pour nous inviter à réfléchir sur le sens de nos vies. Ce temps de confinement, si rude à vivre pour beaucoup, pourrait-il être l’occasion d’un dépouillement de nos faux besoins, de nos dispersions illusoires afin de simplifier nos vies? ? Comment en faire un temps fécond sans céder au désespoir ou à l’angoisse ? Comment résister à la dramatisation contagieuse ? Le temps est peut-être venu de commencer à mettre de l’ordre dans nos cœurs et nos têtes, dans nos habitudes et nos choix au cœur de ce monde que nous avons cru invulnérable. Nous faisons l’expérience de notre fragilité, de la dé-maîtrise, de l’abandon… Tant de questions…
---- Mérète ----


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