Finalement, c'est quoi une thèse ?
L'avis d'Yves

 


Finalement, c'est quoi une thèse ?
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"Le fil conducteur du raisonnement n'est pas clairement formulé".
"Une insuffisante problématisation du sujet".
"Un manque de rigueur dans l'argumentaire".

Tels sont trois extraits de vrais "rapports" envoyés à un doctorant en novembre 2019 et qui ont suscité chez lui une interrogation (comme ils l'auraient fait chez d'autres). Que me reproche-t-on exactement ? peut-il penser.

Certains étudiants sont en effet surpris lors de leurs rencontres avec leur directeur(trice) de thèse, voire quand ils reçoivent les "pré-rapports" sur leur thèse avant la soutenance. Leurs doutes révèlent que même après trois ou quatre ans de travail universitaire, ils n'ont pas saisi complètement le but de l'exercice pour lequel ils ont fait tant d'efforts ! Même sentiment parfois pour le mémoire de Master 2, sur une durée et une ambition plus réduites.

Revenons donc sur les attentes des jurys.
Il y a certes des différences entre disciplines mais la base est la même : il ne s'agit pas de faire un bon rapport, une bonne monographie, il s'agit de présenter et de soutenir une "thèse".

Trois éléments doivent être rappelés :

1. Le document doit bien sûr apporter des informations ou analyses nouvelles : il est le résultat d'observations, d'enquêtes de terrain, de recueil de données, d'analyses de textes, etc. Mais se borner à cela serait faire une "monographie", un "dossier" ou un "rapport". La thèse c'est autre chose (et le mémoire aussi) : elle doit répondre à une question fondamentale (ou plusieurs). Quel est le problème ? D'où vient-il ? Pourquoi ? En quoi soulève-t-il un débat ?Dans quelle controverse scientifique s’inscrit-il ?
Les faits rapportés, les données recueillies n'ont d'intérêt que parce qu'ils contribuent à répondre à une question. C'est la fameuse "problématisation", c'est-à-dire la capacité à poser un problème et à tenter de le résoudre à travers le document.

2. Du coup, la thèse doit convaincre le lecteur que la réponse apportée à la question est « la bonne ». Le rédacteur doit conduire un raisonnement qui a pour but de mener le lecteur à sa conclusion. Le lecteur sera d'accord sur le fond ou pas, mais il aura été confronté à un raisonnement, tendant à "démontrer" quelque chose.

3. Pour présenter ce raisonnement, il faut donc que la rédaction s'enchaîne logiquement et permette de "prendre par la main" le lecteur pour le conduire où le rédacteur veut le mener. Des introductions, transitions et conclusions partielles de chaque chapitre peuvent l'aider. L'évaluateur français s'attend à cela : "cela aurait aidé à la progression de la lecture" (extrait réel d'un rapport). "L'enchaînement des chapitres ne facilite pas la compréhension" (id).

Bien sûr, la qualité des données recueillies sera aussi jugée : elle est souvent le point fort de la thèse. Il est rare que le jury puisse contester les données recueillies, sauf grosse erreur de méthodologie. Mais le doctorant aurait tort de se reposer seulement là-dessus. La thèse doit montrer, démontrer, prouver quelque chose. Elle s'insère dans un débat, une controverse. Il faut donc une (ou plusieurs) questions, un raisonnement, une rédaction facilitante : les trois secrets d'une thèse réussie !


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